26 juin 2025
La Caisse d'Allocations Familiales (CAF) et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) du Cantal ont présenté des résultats significatifs dans leur lutte contre la fraude pour l'année 2023. Avec près d'un million d'euros de préjudices détectés, les deux organismes, qui partagent une direction commune depuis 2019, ont réaffirmé leur double mission : "garantir le juste droit" pour chaque bénéficiaire et assurer "la bonne utilisation des fonds publics."
Un enjeu de taille pour le service public
Avant même de parler de fraude, les chiffres donnent le vertige. En 2024, la CPAM du Cantal a versé 588 millions d'euros de prestations à 121 000 bénéficiaires, tandis que la CAF en versait 143 millions à 48 000 personnes. Face à ces montants colossaux, la lutte contre les abus devient une priorité stratégique.
"On a une particularité sur le département, c'est que depuis 2019, on a un directeur commun CAF et CPAM", a rappelé Raphaël Vasseur, le directeur comptable financier en charge de la fraude. Cette organisation unique a permis de créer deux pôles d'expertise en matière de lutte contre la fraude, qui travaillent en étroite coordination, avec une approche mutualisée : ciblage, analyse, coordination... et un travail juridique renforcé.
CPAM : les faux documents et les fraudes professionnelles en ligne de mire
Du côté de l’Assurance Maladie, le bilan 2023 s’élève à 556 808 € de préjudice total pour 99 dossiers qualifiés de frauduleux. Les fraudes concernent en majorité des établissements de santé (40?%) et des professionnels de santé (30?%), souvent pour des actes fictifs ou surfacturés. Une fraude locale marquante a ainsi concerné une pharmacie du département, avec près d’un demi-million d’euros de préjudice.
"Il y avait de la surfacturation et de la facturation d'actes fictifs", a précisé Myriam Lescure, responsable de secteur contrôle et lutte contre la fraude CPAM. L’affaire, engagée en 2021, a abouti récemment à une condamnation pénale ainsi qu’à une interdiction définitive d’exercer prononcée par le Conseil de l’Ordre.
Mais ce sont les faux documents qui inquiètent particulièrement les équipes. "C’est un sujet qui prend beaucoup d’ampleur", a averti Lescure, évoquant l’émergence de réseaux sociaux proposant des kits de fraude "clé en main" : faux arrêts de travail, fausses ordonnances, documents d’identité falsifiés… Face à cette menace, des contrôles a priori ont été mis en place pour détecter les anomalies avant le versement des prestations.
Les fraudes détectées ont permis d’éviter un préjudice supplémentaire de 350 000 €, s’ajoutant aux 200 000 € déjà versés à tort. Les suites contentieuses, de plus en plus systématiques, visent un effet dissuasif rapide : "On privilégie les pénalités financières et les avertissements dès le premier manquement, avant d’aller sur le pénal", a expliqué Myriam Lescure. En 2023, 30 000 € de pénalités ont été infligés, y compris à des professionnels de santé.
CAF : les revenus et la vie maritale au cœur des contrôles
Pour la CAF, 66 dossiers de fraude ont été qualifiés pour 406 000 € de préjudice en 2023. Une majorité d’entre eux ont été détectés grâce aux contrôles sur place, menés par les agents de la caisse : "Ce sont 29 dossiers qui nous sont parvenus de cette manière, soit près de la moitié", a détaillé Céline Bieuylaigue, responsable du service Recouvrement unifié à la Caf du Cantal
Les motifs les plus fréquents ? Des revenus non déclarés, notamment pour des prestations comme le RSA ou la prime d’activité, et des vies communes dissimulées. "Dès l’instant où il vit en couple, où il partage des charges avec un conjoint, l’allocataire doit le déclarer à la CAF, même s’il n’est pas marié ou pacsé" précisant que ces omissions conduisent à un recalcul des prestations et, si nécessaire, à une requalification du dossier en fraude.
En plus de ces cas classiques, l’année 2023 a aussi vu l’apparition de situations plus rares : un dossier de travail dissimulé et un cas de non-résidence en France.
Des sanctions graduées mais de plus en plus fermes
Que ce soit à la CPAM ou à la CAF, les sanctions vont de l’avertissement à la pénalité administrative, voire au dépôt de plainte pour les cas les plus graves. En plus de la récupération des sommes indûment perçues, les fraudeurs peuvent se voir infliger des pénalités financières de 10 %, voire davantage.
Depuis le 1er janvier 2024, le code de la Sécurité sociale impose une nouvelle majoration automatique de 10 % pour toute fraude qualifiée. "Ça peut chiffrer très très vite", a souligné Céline Gual. "Un allocataire qui a perçu à tort une somme importante devra non seulement la rembourser, mais aussi payer 10 % de pénalité, plus 10 % de pénalité administrative."
Vers une prévention à la source
La dynamique de contrôle se poursuit en 2024, avec déjà plus de 465 000 € de préjudices détectés à fin mai : 250 000 € côté CAF (46 dossiers), et 215 000 € côté CPAM (29 dossiers).
Mais l’avenir de la lutte contre la fraude passe aussi par la prévention. En ligne de mire : la réforme de la solidarité à la source, attendue pour mars 2025. "La plus grosse partie de nos fraudes, c’est des déclarations de ressources erronées", a expliqué le directeur.
"La solidarité à la source va nous permettre de fiabiliser ces ressources avec des déclarations qui vont être pré-remplies."
Un gain de temps et de fiabilité qui permettra aux équipes locales de se concentrer sur les fraudes complexes, à fort enjeu, parfois difficilement détectables à l’échelle nationale.
"La fraude ne connaît pas les frontières", a-t-il conclu. "C’est pour ça qu’on renforce notre ciblage local, qu’on améliore notre coordination, et qu’on investit dans la sécurisation juridique. C’est un travail d’équipe, de fond, et surtout de longue haleine."
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